Roran glissa un œil suspicieux sur la bâtisse comme s’il risquait de se prendre une boule de feu en marchant sur la mauvaise dalle. C’était du pareil au même, même s’il s’agissait de la rustique demeure de la garde-chasse du nord. Sacha lui avait sauvé la mise le soir de l’attaque du marché de noël, mais depuis le massacre du troupeau de sombral, le berger n’avait pas eu de nouvelles de la jeune femme. L'événement avait jeté une sale ombre au début du mois de décembre, la chaleureuse ambiance. Mais peut-être cela avait-il un rapport avec le fait qu’il partageait les fêtes avec sa voisine qui parlaient aux macchabés ? (@Odylia Bellchant) Comptant ses connaissances sur les doigts d’une main et l’hiver étant particulièrement long, le shetland avait traversé tôt le matin dans l’espoir d’attraper la garde chasse avant une de ses tournées.

- Sacha ? appela-t-il en bas de la fenêtre.

Il tenta de regarder à l’intérieur sans grand succès. Il cala les bouteilles qui s’entrechoquaient dans sa sacoche. Si Sacha n’allait pas à la taverne, la taverne irait à elle.

- Triple buse… ? essaya-t-il. Ouhouuuh j’ai de l’hydromel !

Un tir de carreaux d'arbalète aurait été une preuve d’existence de la garde forestière. Et moins vexant que ce silence plat qui le rendait ridicule à parler tout seul à sa porte. Il aurait donné beaucoup de choses pour voir l'accueil que l’humeur massacrante de Sacha avait réservé à l’une des chorales de noël  qui tournait dans la vallée.

Une détonation retentit. Des oiseaux s’enfuirent à tire-d’aile au-dessus de la forêt interdite. Roran grimaça avant de soupirer. Un mauvais sentiment lui disait que c’était une mauvaise idée, mais aussi que Sacha devait être mêlé à ça.

Il regretta très vite de s’aventurer tout seul dans la forêt interdite. Il était resté sur l’un des chemins qui la bordait pour rejoindre le nord de la vallée, bien sûr, pas assez fou pour s’y aventurer seul. Il songea à toutes les affreuses créatures qui habitaient cette forêt. Bien sûr qu’aucune d’elle ne lui ferait le luxe d’hiberner pendant l’hiver.  Et la garde chasse l’étriperait s’il osait se défendre contre l’une de ses créatures. Pourtant, sous son épais manteau de neige et enveloppé du silence de l’hiver, le sorcier se trouva surpris de lui trouver un aspect presque féérique. Elle paraissait nettement moins effrayante.

Il n’y eu pas d’autre explosion pour le guider. Cela fut presque inquiétant. Roran lança un patronus à la recherche de Sacha. Son frêle chien de berger bleu s’engouffra dans la forêt au triple galop.

Roran eut la peur de sa vie en voyant le patronus de Sacha fendre les arbres en sa direction. Le coeur cogna contre sa poitrine, il regarda avec stupeur le pansedefer ukrainien qui avait volé à sa rencontre. Comment la Sacha la garde chasse pouvait avoir comme patronus le plus grand de tous les dragons ?

Aucune mauvaise blague ne lui vint, trop occupé à reprendre sous souffle douloureux. Il se remit difficilement sur pied grâce à sa béquille de marche et traina la patte derrière le patronus démesuré. Pas étonnant que Mundgard n'avait aucune crainte de s'aventurer dans les bois songea-t-il. Hormis un vrai dragon, même une manticore reculerait face à un protecteur pareil.

Boitillant à la suite du patronus, il atteint une clairière balayée par l'explosion. Cela ne lui ressemblait pas.

- Mundgard ? la salua-t-il étonné.

Il fronça les sourcils. Elle avait l'air de quelqu'un qui avait dormi dehors depuis plusieurs jours.

- Oh eh, assis-toi tout de suite tu veux ? lui intima-t-il en la voyant chanceler. Il reconnaissait chez elle les signes de surmenage physique et psychologique qu'il avait pu voir durant ses camarades du guerres, mais aussi les douleurs du trop de magie qu'il subissait régulièrement.

- Allez ! lui dit-il avec autorité comme s'il parlait à une de ces moutons entêtés.

Elle avait une tête affreuse. Tout en lui offrant son bâton comme appui, il jeta un oeil à son paquetage et son équipement. Elle habitait à deux pas de la lisière et certainement à moins de deux heures du point le plus éloigné de la forêt. Pourquoi diable s'infligeait-elle de pareilles excursions sans aucun confort ?

Sacha l'envoya paitre avec son flegme naturel. L'énergie en moins. Son esprit de contradiction ne se fatiguait pas, mais son corps lâcha prise alors qu'elle se laissa glisser au sol. Sans son aide bien sûr. Roran glissa un regard vers son sac sans fond, se demandant ce qu'elle avait emmené avec elle.

Il ignora son commentaire sur les moutons et la considéra l'air préoccupé. Elle fit remarqué sa présence rare en ces lieux, motivées la plupart du temps par une brebis enfuie. La question de Sacha retentit étrangement avec ses pensées et ses souvenirs.

-  Parle pas de ce que tu connais pas... répondit-il d'un voix rauque, l’air plus vieux e, levant un regard particulièrement courroucé.

Des flash douloureux lui donnèrent la chaire de poule avant que voir Sacha se nourrir de neige ne le ramène dans son corps.

- Sacha...?

Il toisa d'un oeil circonspect la gardienne se demandant à quel point sa longue balade et l’isolement l'avaient atteint.

- Est ce que tu viens de manger de la neige…?

Il cligna des yeux, se demandant s'il venait vraiment de voir ce qu'il avait vu.

Roran soupira longuement. Il la jugea d'un regard lourd, se demandant s'il était vraiment la personne pour cette mission. Il souffla avant de fouiller dans son sac, la laissant assise dans la neige. L'articulation de sa jambe couina à cause de l'humidité.

- T’as pas donné signe de vie depuis des semaines et ta baraque est déserte... répondit-il entre ses dents, renfrogné.

Il leva la main et des branchages filèrent dans sa paume. Il fit jaillir des flammes de sa paume et en moins d'une minute un feu de fortune craquait entre eux deux. Roran s'emmitoufla dans son épaisse peau de mouton, jetant un regard de reproche à Sacha. Il planta sa bouteille d'hydromel dans la neige et essaya de trouver une position confortable pour sa jambe.

Sacha n'insista pas et s'excusa même. Roran les accepta silencieusement, l'esprit tournée vers le repas de neige de Sacha.

On pouvait effectivement se désaltérer avec de la neige... Roran ne pouvait pas lui donner tord mais.... Depuis quand quittait-elle sa maison sans gourde, ni eaux ? Sacha n'avait vraiment rien d'une lady songea-t-il, sans méchanceté. Roran cligna des yeux trois fois par esprit de contradiction, et n'ajouta rien, ayant l'impression que la garde chasse commençait à délier sa langue.

Il fronça les sourcils à la mention des braconniers. Les fourrures d'hiver valaient plus cher, tout le monde savait ça. Il ignorait tout de la saisonnalité du travail de Sacha alors il supposait qu'elle disait vrai. Il fit une moue peu convaincue à son petit mensonge. Si elle était rentrée hier, elle aurait emmené avec elle de quoi boire et n'aurait eu besoin de manger de la neige comme un ruminant.

Sacha tendit sa baguette et attira à eux des victuailles sorties de son sac. La figure pale de Roran s'illumina, approuvant plus que l'idée de manger. Un petit sourire inquiet acheva d'éclairer son visage, alors qu'il accepta la verre d'alcool. D'un geste des doigts il fit léviter les morceau de viandes au-dessus du feu et les arrosa d'hydromel. L'eau lui montait à la bouche. Il jeta tout de même un oeil à la viande pour s'assurer qu'elle n'était pas gâtée.

Sacha l'interrogea sur sa jambe et Roran eut l'impression d'être un vieux grand-père. Il grimaça d'abord avant de se livrer non sans pudeur :

- J'ai hâte que le printemps arrive. Je rouille dehors et c'est encore plus pénible de marcher.
Il se retint de regarder sa jambe droite et avoua un peu malgré lui :

- Je devrais certainement passer au dispensaire Fawcett mais...

Il laissa sa phrase en suspend pour chercher une excuse qui ne vint jamais. Un ange passa et il remua les braises du feu. Et il n'était pas question de lui de toute façon mais de l'état de Sacha.

Il tira son sac et en sortit une outre d'eau qu'il tendit à Sacha. "Prend ça, c'est mieux pour ce que t'as tout de suite. C'est dangereux de te négliger toute seule dehors." ajouta-t-il, prenant le risque qu'elle le prenne mal.

- C'était quoi cette explosion toute à l'heure Sacha ?

Un pli préoccupé tailla son front et il jeta un regard aux alentours, bien qu'il savait que Sacha ne serait pas restée au milieu d'une embuscade. La clairière était dévastée.

- Les salops ils ont tout bousillés... siffla-t-il, se trompant d'accusé sans le savoir.

Je lui offris un regard noir. Je n'avais pas quitte ma maison sans gourde ! J'avais juste eu le manque d'énergie de plonger ma main dans mon sac pour tirer ma gourde. La neige c'était à côté propre et efficace ! Mais je n'étais pas tout à fait sûre qu'il l'ait dit à haute voix. Je me frottais le nez machinalement et forcément que j'étais pas une lady ! J'étais juste la fille d'une pute ! Il croyait quoi lui ?! Mais mangeons avant de boire. La viande avait l'air encore bonne surtout arrosée d'hydromel. Enfin je m'appuyais contre l'arbre en silence laissant Roran parler. Il rouillait. Je gmoussai un peu ivre de fatigue.

" C'est tes cheveux ça mon pauvre vieux. Ça déteint sur ta jambe !"

Je me moquais gentiment de lui mais j'avais tellement de cicatrices ou ce genre de truc que... Boarf je pouvais parler. Mais...

" Mais t'as pas l'envie c'est ça ?"

Fis je doucement en le comprenant tout a fait ! Je n'y passais jamais alors que je devrais. J'attrapais au vol l'outre avant de soupirer et de boire une gorgée.

" Je me néglige pas ! Je travaille ! Y a beaucoup de boulot ! "

J'avais juste... Pas le temps de m'occuper de moi

" et j'ai la mienne d'outre. Elle est juste au fond de mon bordel "

C'était pas mieux. Tout bousillé. Je me raclai la gorge.

" Nan ça c'est moi j'ai du défaire un sort. Ça a juste fait boum. "

Explication tout simplement.

Roran soutint le regard de Sacha l'air interloqué, avant de saisir le trait d'humour. Il plissa les lèvres. Ha-ha. Elle avait encore son humour au moins. Il baissa les yeux et se radoucit, avant de finir par esquisser un sourire et secouer la tête. La fatigue nerveuse l'attaquait.

Sacha enchaîna des justifications aussi peu crédible les unes que les autres. Il secoua la tête négativement en la jugeant du regard alors qu'elle invoquait son flegme à sortir son outre. Et puis quoi encore...?

- Et depuis quand tu détruis des milieux naturels...? demanda-t-il d'autant plus inquiet.

Il avait davantage souvenir de quelqu'un qui l'aurait expulsé du bois pour avoir écrasé un champignon. Il jeta un regard autour d'eux, ne croyant pas le calme avec lequel elle le lui avait annoncé.

- Y va falloir que tu passes le flambeau à un collègue. déclara-t-il Et repose toi. Si tu commences à détruire la forêt que tu dois garder, ça craint Sacha, lui dit-il en toute franchise.

Si elle continuait comme ça, elle terminerait par ressembler à l'une de ces bestioles recueillies qui lui brisait tant le coeur. Le berger se pencha et retourna une les pièces de viande d'un geste de la main. L'odeur de grillé mélangée au miel dégageait des effluves entêtante.

- Allez, mange, la rabroua-t-il en lui tendant un morceau de viande.

Il mordit dans son propre morceau sans la quitter du regard. Surveillant ces faits et gestes comme il l'aurait fait pour une bête malade.